(juin 2004)
L'État
d'Israël devait apporter une sécurité aux Juifs; il a créé un
piége dont les habitants vivent sous la menace d'un danger
constant, état de fait qui n'est vécu par aucune autre communauté
juive.
L'État
d'Israël devait réduire en poussière les murs du ghetto; il a dorénavant
édifié le plus vaste ghetto de toute l'histoire juive.
L'État
d'Israël devait être une démocratie; il a instauré une structure
coloniale combinant les éléments évidents de l'apartheid avec
l'arbitraire d'une occupation militaire illégale.
Israël,
en 2004, est un État dans l'impasse. Cinquante-six ans après sa création
- en dépit de ses nombreuses réalisations dans les domaines de
l'agriculture, de la science et de la technologie, et malgré une
puissance militaire importante équipée d'armes dignes du Jugement
dernier - nombre de ses citoyens ont la mort dans l'âme, préoccupés
par leurs inquiétudes existentielles et la crainte face à leur
avenir.
Depuis
sa création, Israël a vécu par l'épée. Une suite incessante de
« représailles », d'opérations militaires et de guerres est
devenue la drogue essentielle à la survie des Juifs israéliens.
Maintenant, près de quatre années après le début de la seconde
Intifada palestinienne, Israël est enfoncé jusqu'au cou dans le
bourbier de l'occupation et de l'oppression, tout en poursuivant
l'expansion des colonies et la multiplication des avant-postes, se répétant
ad nauseam à lui-même que « nous n'avons pas de partenaire pour
la paix ».
Dix
ans après les Accords d'Oslo, nous vivons dans une réalité
coloniale aveugle - au cœur des ténèbres. Trente-sept ans après
la conquête par Israël des derniers territoires palestiniens en
Cisjordan.ie et dans la Bande de Gaza, plus de trois millions et
demi de Palestiniens sont cloîtrés dans leurs villes et villages.
Le terme « Etat palestinien » - qui, pendant des années,
incarnait l'option pacifique - est utilisé par nombre de
politiciens israéliens comme phrase mirage, un tournant dans la réalité
de l'O;ccupation : « Dans le future », chuchotent-ils avec un clin
d'œil, « l'entité palestinienne dans les Territoires pourra être
appelée un « Etat ». » Entre temps, Israël amplifie la dévastation
en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, semblant déterminé à réduire
en poussière le peuple palestinien.
Face
au large camp des Israéliens qui soutiennent le Mur de séparation
- ceux qui, tant à droite qu'à gauche, sont terrifiés par les démons
de la démographie, comptant sans cesse la population afin de savoir
combien de Juifs et d'Arabes sont nés et sont morts chaque semaine,
combien de Juifs et d'Arabes vivent dans le pays et dans chacune de
ses régions - il est vital de proposer une perspective différente,
basée sur les principes suivants:
La
coexistence des peuples de ce pays, basée sur une reconnaissance
mutuelle, un partenariat d'égal à égal et l'application d'une
justice historique.
Nous
sommes unis dans une critique du sionisme puisqu'il est basé sur le
refus de reconnaître le peuple indigène de ce pays et sur la négation
de leurs droits, leur dépossession et sur l'adoption d'une séparation
en tant que principe fondamental et mode de vie. Ajoutant l'insulte
à l'injure, Israël persiste dans son refus d'assumer la moindre
part de responsabilité dans ses méfaits, de l'expulsion de la
majorité des Palestiniens il y a plus d'un demi-siècle, à la présente
transformation en ghetto des villes et villages de la Cisjordanie.
Ainsi, où qu'ils soient, une frontière est dessinée entre les
Juifs et les Arabes, afin de distinguer et séparer les élus et les
damnés.
Nous
sommes unis pour reconnaître que ce pays appartient à tous ses
fils et filles - citoyens et résidents, présents et absents (les
Palestiniens déracinés en 1948) - sans discriminations basées sur
des motifs personnels ou collectifs, sans considération pour leur
citoyenneté, leur religion, leur culture, leur ethnie ou leur
genre. Nous demandons donc l'abrogation immédiate de toutes les
lois, règlements et pratiques qui exercent une discrimination entre
les citoyens juifs et arabes d'Israël, et la dissolution de toutes
les institutions, organisations et autorités basées sur de telles
lois, règlements et pratiques.
Nous
sommes unis dans notre croyance voulant que la paix et la réconciliation
dépendent de la reconnaissance par Israël de sa responsabilité
dans les injustices faites au peuple indigène, les Palestiniens, et
de la volonté de les corriger. La reconnaissance du Droit au retour
fait partie intégrante de nos principes. Corriger l'injustice
continue infligée aux réfugiés palestiniens, génération après
génération, est une condition nécessaire, tant pour la réconciliation
avec le peuple palestinien, que pour la guérison spirituelle de
nous-mêmes, Juifs israéliens. Ce n'est qu'ainsi que nous cesserons
d'être affligés par les démons du passé et les damnations, et
que nous pourrons nous sentir à demeure dans notre patrie commune.
Depuis
plusieurs années déjà, les dirigeants israéliens se sont employés
à dépeindre les Palestiniens comme des sous-humains. Leurs efforts
ont été secondés et appuyés par des membres de l'élite
culturelle, des barons des médias, des fonctionnaires vaniteux et
des auteurs médiocres, à gauche comme à droite. C'est avec dégoût
que nous rejetons cette arrogance raciste, sachant que les
Palestiniens, comme tous les autres peuples, ne sont ni des démons
ni des anges, mais simplement comme nous, c'est-à-dire des humains,
créés sans distinctions.
Nous
sommes convaincus que si nous abordons la paix et la réconciliation
avec les Palestiniens avec l'esprit ouvert et la volonté, nous
trouverons en eux ce avec quoi nous les aborderons: un esprit ouvert
et une volonté. Nous sommes des frères et sœurs et non pas des
ennemis éternels comme le professent les empoisonneurs de puits.
Il
est inutile, à ce moment-ci, d'essayer de prédire la future concrétisation
physique de cette vision d'une vie commune: deux États ou un ? !
Peut-être une confédération? ! Ou bien une fédération? ! Et que
dire des cantons? ! Dans tous les cas, la condition incontournable
pour promouvoir la vision d'une vie commune s'impose d'elle-même,
tant comme impératif moral suprême que comme question pratique
dans l'instant présent: la fin immédiate de l'occupation.
Ce
n'est qu'ainsi que les Palestiniens de Jérusalem-est, de la
Cisjordanie et de la Bande de Gaza seront débarrassés du joug des
colonies, du cauchemar de l'apartheid, du fardeau de l'humiliation
et des démons de la destruction mise en œuvre par Israël jour et
nuit, sans relâche, depuis trente-sept ans. Ce n'est que lorsqu'ils
seront totalement libres que les Palestiniens seront aptes à
discuter et décider de leur avenir.
Nous
croyons que l'adoption des principes susmentionnés posera les
fondations sur lesquelles le peuple de ce pays pourra édifier le
cadre adéquat d'une vie commune. Nous ne parlons pas de fantaisies
ou d'un changement miraculeux qui nous mènera de notre enfer actuel
à un paradis.
Nous
parlons d'une route qui n'a pas encore été à ce jour: être honnête
avec nous-mêmes, avec nos voisins et particulièrement avec le
peuple palestinien - nos ennemis qui sont nos frères et sœurs. Si
nous réunissons en nous-mêmes l'honnêteté adéquate et le
courage nécessaire, nous serons capables de faire les premiers pas
de cette longue marche qui peut nous extirper de l'enchevêtrement
de négation, de répression, de distorsion de la réalité, de
manque de vision et de renonciation à notre conscience, duquel le
peuple d'Israël est captif depuis des générations.
Quiconque
a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre sait que le choix
est entre un autre « siècle de conflit » se terminant dans
l'annihilation, et un partenariat entre tous les habitants de cette
terre. Seul un tel partenariat pour nous transformer, Juifs d'Israël,
d'étrangers dans leur pays en habitants réels de ce pays.
Nous
n'avons pas l'intention d'initier un nouveau mouvement contre
l'occupation ou un autre parti (plate-forme, institutions et
dirigeants). Nous souhaitons amorcer une discussion publique sincère
au sujet de l'impasse israélienne dans laquelle nous vivons et les
profonds changements nécessaires pour s'en extirper. Tous les Israéliens
savent qu'il n'est pas question ici de peccadilles politiques, mais
plutôt du sort des peuples de ce pays.
Giv'at
Olga, juin 2004
Ra'anan
Alexandrowicz - Prof. Zalman Amit - Dr. Yossi Amitay - Boaz Arad -
Adi Arbel - Nili Aslan - Michal Aviad - Dr. Ariella Azulay - Talma
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Chacham - Lin Chalozin-Dovrat - Dr. Sami Shalom Chetrit - Dr. Raya
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Sharon Dolev - Andre Draznin - Dr. Avishai Ehrlich - Boas Evron -
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Mazali - Oren Medicks - Gil Medovoy - Racheli Merhav - Avi Mograbi -
Tsachi Mitsenmacher - Prof. Judd Ne'eman - Prof. Adi Ophir - Amir
Orian - Prof. Avraham Oz - Dr. Nurit Peled Elhanan - Dr. Dan
Rabinowitz - Dr. Nitzan Rabinowitz - Dr. Uri Ram - Dr. Amnon
Raz-Krakotzkin - Roee Rosen - Yael Roth-Barkai - Catherine
Rottenberg - Sergeiy Sandler - Herzel Schubert - Tali Shemesh -
Prof. Yehouda Shenhav - Oded Shimshon - Prof. Nomi Shir - Diana
Shoef - Dr. Tali Siloni - Ora Siunim - Kobi Snitz - Amos Tidhar -
Tova Tidhar - David Tartakover - Osnat Trabelsi - Dr. Allon Uhlmann
- Michel ( Mikado) Warschawski - Dr. Haim Yacobi Sergio Yahni -
Prof. Oren Yiftachel - Prof. Moshe Zuckermann
Lettre
des instigateurs de l'Appel Olga à leurs amis palestiniens en Israël,
dans les Territoires occupés et dans la diaspora. Très chers amis,
Il
y a quelques semaines, nous avons rendu public un appel à l'opinion
publique israélienne, sous le titre de « Pour la paix et la réconciliation;
pour l'égalité et un partenariat ». Cet appel vise à changer le
discours politique en Israël, y ajoutant la dimension historique du
conflit, et mettant à l'avant-scène les changements de structures
politiques, idéologiques et culturels qui sont nécessaires afin
d'atteindre, dans le future, une réconciliation authentique.
De
façon intentionnelle, nous voulions que notre premier appel
provienne de Juifs israéliens et qu'il s'adresse à des Juifs israéliens.
Une telle « approche tribale » devait être la première et la
dernière: notre perspective est enracinée dans le rejet du
tribalisme et la promotion d'un réel partenariat entre tous les «
enfants de cette terre », résidents autant qu'absents. De notre
point de vue, un débat intérieur entre Juifs israéliens est un
premier pas important et nous espérons qu'une participation et une
contribution palestinienne pourra être la prochaine étape.
En
dix jours, notre appel a reçu un soutien inattendu de plus de cent
Juifs israéliens, et un débat passionné s'est développé parmi
des dizaines de partisans de l'Appel, au sujet du Droit au retour,
de la responsabilité historique, du binationalisme, etc.
Nous
vous envoyons notre appel originel afin d'avoir vos commentaires et
critiques. Toutefois, nous aimerions discuter des principes de notre
document avec vous, sœurs et frères palestiniens, citoyens d'Israël
ou résidents des Territoires occupés de 1967 ou membres de la
diaspora palestinienne, quand vous le jugerez approprié.
Solidairement,
Anat
Biletzki - Andre Draznin - Haim Hanegbi - Yehudith Harel - Oren
Medicks - Michael (Mikado) Warschawski (Yehudith Haret will be
our contact persan at ye haret@netvisian.net.it Traduit
de l'anglais par Olivier ROY
Union
Juive Française pour la Paix (UJFP), B.P. 102,75960 PARIS Cedex 20
Tél. : 01 42025976. Fax: 01 42025977. E-Mail: ujfp@filnet.fr
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